Lundi 6 avril, Armateurs de France organise son Assemblée générale de façon dématérialisée. Le mandat du président Jean-Marc Roué arrivant à son terme, l’élection de son successeur est à l’ordre du jour. Les résultats du vote, sous contrôle d’un huissier, seront connus mardi 7 avril. A la veille de ce changement de présidence, Jean-Marc Roué dresse son bilan et encourage son successeur.
Messieurs les Armateurs de France,
Mesdames et Messieurs,
Chers adhérents,
Ce mardi 7 avril 2020 s’achèvera mon mandat à la tête d’Armateurs de France.
Trois années où j’ai pu représenter et défendre, avec la même immense fierté, les intérêts des entreprises du Pavillon français. Trois années intenses et riches d’émotions pour le paysan-armateur que je suis. Trois années d’une expérience partagée avec les Délégués généraux, Hervé Thomas puis Jean-Marc Lacave, avec une équipe renouvelée et dont je salue l’efficacité sans faille. Sans oublier mes amis, Marc Etcheberry, président suppléant, et Fernand Bozzoni, trésorier de notre organisation. Sans eux, rien n’aurait été possible.
J’aurais aimé vous raconter combien ces années ne furent pas de tout repos. A commencer par l’élection d’Emmanuel Macron, l’accession au pouvoir de cette nouvelle génération, dans les ministères, dans les cabinets, et bien sûr à l’Assemblée nationale. Pour beaucoup, ces femmes et ces hommes connaissaient peu, - voire pas du tout -, notre secteur. Notre première mission fut donc d’évangéliser ce personnel politique renouvelé. En peu de mots, mais en beaucoup d’actions, nous avons dû retisser ce réseau d’expertises et de soutiens nécessaires à la préservation des intérêts du shipping français.
J’aurais aimé vous parler plus longuement de cette bataille des exonérations patronales que des budgétaires à courte vue tentèrent de supprimer alors que ce dispositif est essentiel aux entreprises portant haut le pavillon national. Nous avons fait feu de tout bois. Edouard Philippe a su prendre le temps de m’écouter avant d’arbitrer sans réserve en notre faveur. Je le salue à nouveau très sincèrement. Il a sauvé le Marin français !
J’aurais aimé vous témoigner de ma fierté d’avoir accompagné le shipping français dans l’ère de la transition énergétique. Avec Philippe Louis-Dreyfus, nous avons pu proposer à l’OMI une diminution à court terme de l'empreinte carbone du transport maritime avec la régulation de la vitesse des navires du bulk. Avec Rodolphe Saadé, qui a entamé un renouvellement de sa flotte en commandant neuf porte-conteneurs à propulsion au gaz naturel liquéfié (GNL) nous avons ouvert le shipping français à ce carburant qui répond pleinement à l’ensemble des exigences environnementales européennes. J’ai moi-même lancé la construction du plus grand ferry européen au GNL, le Honfleur, seul navire français à bénéficier du Fonds Juncker d’investissement pour l’Europe. Aujourd’hui, les Armateurs de France ont pris conscience de leurs responsabilités environnementales et sociétales. Tous, nous avons compris et mesuré l’ampleur des défis énergétiques qui s’ouvrent et nous saurons y répondre.
J’aurais aimé vous parler de ces jeunes entrepreneurs qui annoncent la relève du shipping français. De Jifmar à TOWT ou Plastic Odyssey par exemple, une nouvelle génération d’armateurs me donne confiance et espoir dans l’avenir de la Marine marchande tricolore !
J’aurais enfin aimé vous parler de ces batailles en cours que je regrette de laisser inachevées, à commencer par la défense de notre régime de retraites et bien sûr l’accompagnement de la sortie du Royaume Uni de l’espace européen après le 31 décembre 2020.
J’aurais aimé conclure ainsi ces trois années de présidence sur un bilan que j’aurais eu plaisir à partager avec vous.
Et pourtant….
Pourtant, alors que j’écris ces quelques lignes, une crise sanitaire mondiale s’abat sur la planète. Le Covid- 19 se propage, partout en Europe, partout de par le monde, sur mer comme sur terre. Nos marins, les femmes et les hommes qui font la force de nos entreprises sont ou seront peut-être touchés. Beaucoup continuent pourtant à travailler avec courage. Nos sous-traitants, nos clients, les bassins de population qui vivent en partie de notre activité seront tout autant frappés, affaiblis, voire anéantis. A travers eux, ce sont nos entreprises que le Covid-19 affaiblira pour beaucoup. Et malheureusement, certaines ne s’en relèveront pas.
Alors c’est vers le Président de la République que je me tourne une dernière fois. J’en appelle à lui pour anticiper très vite les besoins qui seront les nôtres pour relever le Pavillon français. J’en appelle au Gouvernement pour sauver le Marin tricolore et les emplois qu’il représente. J’en appelle à l’Etat pour, dès à présent, prévoir un Plan Marshall du shipping français ! Monsieur le Président, vous l’avez dit plusieurs fois déjà, « nous sommes en guerre ». Et bien prévoyons, ensemble, et très vite, le Plan Marshall de la reconstruction ! Ouvrons au plus vite le dossier du soutien à notre filière que Bruxelles nous permet désormais.
D’autres secteurs économiques ont déjà lancé leurs balises de détresse. La nôtre doit être vue, et de loin ! C’est celle d’un secteur qui achemine 90% des marchandises consommées en France et dans le monde. C’est celle qui garantit à la France de ne pas dépendre de marines marchandes étrangères. C’est celle qui, depuis des siècles, génère une richesse qui contribue largement au fonctionnement de l’Etat !
Nous tous, Armateurs de France, devrons être plus que jamais unis pour nous faire entendre - vite et fort ! - des Pouvoirs publics. Il ne s’agit rien de moins que de sauver le Marin français et son Pavillon. Le futur Président de notre organisation aura besoin d’aide et, je m’y engage, nous serons tous à ses côtés !
Jean-Marc Roué
Président d’Armateurs de France