La routine. Elle est souvent mal perçue, parfois même synonyme d’ennui. On y est tous confrontés et certains n’ont qu’une envie, y échapper. Pourtant, cette succession d’évènements qui se répète quotidiennement peut nous aider à structurer nos journées et à surmonter un confinement… ou un embarquement !
Ce que les marins vivent lors de leurs périodes au long cours, ressemble étrangement au confinement que nous venons de vivre. Simon Bernard et Alexandre Dechelotte, co-fondateurs de Plastic Odyssey, partagent leurs souvenirs d’embarquement.
Simon :
" À bord, les repères temporels sont omniprésents, à commencer par les horaires de travail jusqu’à la maintenance des moteurs ou encore le planning des escales.
Il en est de même avec ce qui assure le bon déroulement de l’expédition maritime : les vivres ! Les repas sont des moments privilégiés lorsque l’on vit enfermé sur son lieu de travail. Aussi, les rituels culinaires sont souvent gravés dans le marbre - enfin, dans l’acier - et varient en fonction de chaque bateau. Le jeudi midi pour moi c’était crevettes en entrée suivi d’un steak-frites. Le rythme était tellement régulier que certains comptaient en nombre de steak-frites restant avant leur débarquement ou même avant leur retraite ! Le samedi, c’était au tour des stagiaires de faire des crêpes et le mercredi des gaufres. Cette routine bien installée peut faire sourire mais elle nous permet de faire en sorte que les journées ne se ressemblent pas trop. Il faut s’imaginer que même sur un navire qui voyage et se déplace en permanence, en pleine mer le paysage ne change pas beaucoup… On pense que les marins ont des âmes de voyageurs mais en réalité, le marin est plutôt casanier. »
Alexandre :
« Certains rituels sont imposés à tout le monde, quel que soit le grade. Le “passage de la ligne” (franchissement de l’équateur) par exemple donne lieu à une cérémonie de baptême pour quiconque ne l’a jamais passé. C’est un rituel très sérieux organisé par ceux qui l’ont déjà vécu à bord. Quelques jours avant que le navire n’atteigne la latitude zéro, des réunions secrètes de préparation sont organisées et des déguisements sont confectionnés avec les moyens du bord. Ces déguisements sont ceux des dieux romains comme Neptune, dieu de la mer et de la navigation, ou encore ceux de sirènes. Le jour J, le rituel du passage commence par un discours prononcé par Neptune. La cérémonie se tient dehors, sur le pont extérieur, par 40°C. On est badigeonnés de graisse, baptisés à la soupe de poisson à l’odeur nauséabonde, et enfin douchés à l’eau de mer par des manches à incendie ! Un certificat est alors délivré et doit être conservé avec la même importance que les diplômes et brevets. Au-delà du papier, c’est un souvenir inoubliable !
Dans le monde maritime, certains rituels comme celui-là perdurent depuis des centaines d’années, et font partie du quotidien, de notre routine à nous ! Personnellement, ce quotidien très rythmé qui se formait dès les premiers jours de mes embarquements me permettait non pas de compter ce qu’il restait à faire avant de finir ma mission, mais de constater avec satisfaction le chemin parcouru en regardant derrière moi. »
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