Gildas MAIRE, Directeur Général du Groupe Louis Dreyfus Armateurs, ancien Président d’Armateurs de France, est également Président du comité de pilotage Économie Fiscalité d’Armateurs de France depuis le printemps 2017. Il répond à trois questions.
1) Vous présidez le Comité Économie Fiscalité d’Armateurs de France, pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste et ce sur quoi vous travaillez ?
Le Comité Économie Fiscalité réunit les experts fiscaux et financiers des compagnies maritimes adhérentes et permet d’effectuer un suivi régulier des dossiers en cours, d’informer les armateurs sur les changements de la règlementation au niveau national, européen et international et de faciliter les échanges entre les représentants de chaque compagnie et nos autorités de tutelle.
Il a notamment pour mission de s’assurer que soient préservés, et consolidés au besoin, les dispositifs qui permettent aux armateurs français d’être compétitifs sur le marché international. Il faudrait également aménager et mettre au point des outils d’accompagnement spécifiques pour permettre aux armateurs d’absorber les surcoûts éco-énergétiques (de l’ordre de 20 %, pour un navire neuf ou modernisé en cours de vie).
Nos travaux consistent ainsi prioritairement en la consolidation et l’amplification du trépied fiscal et social sur lequel notre industrie s’appuie, soit le financement des navires sous le régime de l’article 39 C du code général des impôts / intégrations fiscales, le régime de taxe forfaitaire au tonnage et le dispositif d’exonérations de charges sociales. Ces mesures sont essentielles, mais ont connu une certaine érosion en termes d’efficacité ; il faut donc au plus vite redonner de la puissance à ce triptyque.
2) Concrètement, quelles sont les mesures que les armateurs espèrent voir venir en matière de financement ?
Armateurs de France défend plusieurs propositions destinées à faciliter l’investissement maritime et par là même, la pérennité des armements français.
Ces propositions sont répertoriées dans le pack « Investissement productif » du Plan Stratégique pour la Marine Marchande (PSMM) élaboré par Armateurs de France, en vue notamment de faciliter le financement de nos activités, très fortement capitalistiques et engagées dans la transition. Parmi celles-ci, l’adaptation du mécanisme de crédit-bail de façon à en maintenir l’attractivité, mais aussi l’instauration de dispositifs d’élargissement de ressources de financement (à l’instar d’un certificat d’investissement maritime) permettant un renouvellement de la flotte en drainant des capitaux en dehors du système bancaire. Enfin, la mise en œuvre effective de dispositifs de garantie publique de la BPI.
L’enjeu est bien le maintien de la stabilité des engagements et investissements des compagnies maritimes françaises dans un environnement économique mondial particulièrement tendu.
3) Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en cette année marquée par la pandémie de Covid-19 ?
La crise sanitaire nous a contraints à affronter de multiples difficultés, parmi lesquelles le ralentissement de l’économie mondiale, le défaut complet de visibilité, des conditions de marché très difficiles pour de nombreux armateurs, sans oublier la gestion particulièrement complexe des relèves de nos équipages au travers le monde.
Dans cet environnement, les armateurs ont des difficultés à trouver des financements. De nombreuses banques ayant continué à prendre du recul face aux projets maritimes, les armateurs doivent alors être plus créatifs et sont parfois obligés de se tourner vers le private equity ou vers des banques asiatiques ; ces dernières prennent ainsi des parts de marché aux banques françaises alors que ces dernières détenaient 10% du marché du financement maritime mondiale, il y a encore quelques années.
Redynamiser le binôme armateurs français et banques françaises permettrait d’accompagner la construction d’une flotte stratégique, qui est un élément fondamental pour la flotte française de demain et surtout, pour l’emploi français. C’est l’un des objectifs que nous souhaitons poursuivre dans le cadre du Comité Économie Fiscalité d’Armateurs de France. Dans cette période difficile, plus que jamais la solidarité entre industriels et armateurs français doit jouer pour permettre de développer des nouvelles filières, mais aussi via la reconnaissance d’une flotte stratégique, afin de ne pas renouveler le gâchis de la Compagnie Générale de Géophysique (CGG Marine) et la disparition de toute la filière sismique maritime française.
Crédits photos : Wind of Change Borkum ©Augustin Vandenhove, ©Olivier Brunet