Accosté à Brest pour faire le plein, le Pierre de Fermat connait une nouvelle dynamique. Suite au déconfinement des marins, Sonia Mériaux, l’infirmière embarquée, raconte dans le chapitre 4 qu’elle peut enfin se déplacer dans le navire sans restriction, tout en respectant les mesures sanitaires. Décrouvez le dernier chapitre du Journal de bord de l’infirmière.
Samedi 18 Avril 2020 : J18
À quai, mais confinés, donc personne ne peut sortir.
Il y a toujours de quoi faire. Le commandant nous permet de terminer la journée à 17 h. Mais avant, exercice de sauvetage dans un endroit clos (ex : stockage de câble dans un tank) et avec matériel (coque, harnais, filin). Les exercices, l’entraînement sont nécessaires et réguliers. Là encore chacun connaît son rôle. Si, par exemple l’infirmière doit intervenir, le sac d’urgence est porté par un matelot qui est nommé depuis son embarquement (ainsi que son suppléant), il en est de même pour les bouteilles d’oxygène et tout autre matériel nécessaire à l’intervention. C’était très intéressant, il y a des endroits à bord très exigu. Donc prévention, prévention, entraînements +++
J’ai bénéficié d’un cours privé pendant la pause de l’après-midi. Atelier manuel : le maître de manœuvre m’a appris à faire un porte-clefs avec des bouts. Génial. J’ai oublié le nom de cette petite boule !!!
Quant au cuistot et son équipe, ils n’ont pas eu le temps de se poser : les tables du buffet ont été installées à l’arrière du navire. Petits fours maison, soupe champenoise. Tout le monde s’est retrouvé pour partager ce moment, l’ensemble de l’équipage était joyeux. La musique était aussi au rendez-vous.
Comme il a fait un temps magnifique, nous avons pu profiter de la plage arrière. À ce moment-là, je me suis dit que j’étais chanceuse de pouvoir prendre un peu de bon temps, sachant qu’à terre c’est impossible. J’en suis presque un peu gênée, alors que Pascal et les enfants sont enfermés dans un appartement.
C’est vrai, j’en oublie la fatigue de ces derniers jours et j’apprécie ce moment de convivialité.
Dimanche 19 Avril 2020 : J19
C’est peut-être dimanche à terre mais sur le navire c’est un jour comme les autres, donc pas de grasse mat.
Mais par contre, en plus du repas amélioré, nous avons été libérés à 14 h. J’en ai profité pour me reposer, faire quelques porte-clefs.
Lundi 20 Avril 2020 : J20
Visite des ballasts (réserve d’eau douce) : nettoyage complet des cuves (dépôt de poussière sur les parois). C’est étroit et très haut. Le navire est "autonome" , il remplit ses cuves d’eau douce (nécessaire pour la douche, lave-vaisselle, éviers...). Après utilisation, elle est récupérée, traitée et remise à l’eau. L’eau souillée (fuel, graisse…) est récupérée, stockée, elle sera déchargée à quai dans des fûts spéciaux.
Visite des baleinières ou canot de sauvetage (capacité : 47 personnes, réserve d’eau de nourriture, trousse de secours). Cela ressemble à un petit sous-marin, entièrement clos. Siège en hauteur pour le pilote, moteur (fuel), gouvernail, rames. Harnais, coussins pour la tête. Deux canots, un à bâbord, un autre à tribord.
Toujours et encore de l’entretien. Moi en plus de l’entretien quotidien, je dois laver les murs et les portes, j’ai commencé la première pièce de l’infirmerie.
Puisque personne ne peut quitter le bord, pas de mission pour le moment, mais pas question de rester à ne rien faire. Cela va permettre de faire de plus gros travaux et réparations. Souvent le temps manque.
Le plancher en bois est en cours de changement sur le pont arrière. Ce n’est pas du chêne mais du pin. Les ateliers, sont vidés, lessivés, repeints, rangés. Bref c’est le ménage de printemps. Ouf, la commande de pharmacie est enfin partie, avec l’aide du commissaire.
Voici plusieurs jours écoulés depuis notre dernier échange.
Voici mon dernier jour à bord, demain 45 jours à bord.
Je suis ravie de cette expérience tant humaine que professionnelle. Cela me semble même encore irréel. Mr Vuillemin a eu une très bonne idée de faire appel aux services de santé au travail, merci à lui d’avoir mis « des paillettes dans ma vie » et au Dr Pirlot de m’avoir fait confiance.
Crédits photos : © Laurent Miquel et Sonia Mériaux